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07 août 2025
Matthias Debureaux
Relais & Châteaux part sur les traces de ces auteurs ayant prêté leur voix à une nature sauvage qui ne demandait que la parole.
7 min
LE PHILOSOPHE NATURALISTE HENRY DAVID THOREAU EST LE PÈRE DU MOUVEMENT à l’origine de la conscience environnementale et de la pensée écologiste. Chef-d’oeuvre de la littérature américaine, Walden ou la Vie dans les bois raconte son isolement volontaire dans une cabane en pin au bord d’un étang durant deux ans, deux mois et deux jours. Celui que l’on surnommait le « scribe de la nature » a inspiré Gandhi, Frank Lloyd Wright, Martin Luther King ou Jack Kerouac. À mi-chemin entre Pittsburgh et Buffalo, The Lodge at Glendorn et ses cabanes de bois d’épicéa, en bord d’étang, font écho à la plongée méditative de Thoreau. Ce « camp familial », édifié dans les années 1920 par le philanthrope et humaniste Clayton Glenville Dorn pour recevoir sa descendance, s’est transmis de génération en génération jusqu’à son acquisition, en 2009, par le brasseur Cliff Forrest. Comme la prose épique du nature writing, la forêt nationale d’Allegheny fait jaillir l’étincelle des rencontres végétales, mais aussi animalières avec ses renards, cerfs et castors et parfois même, l’insaisissable ours noir. Le long du ruisseau Fuller sept kilomètres de berges privées sont réservés à la pêche à la mouche. Grâce à des guides aguerris, l’expérience se poursuit jusqu’aux rives de Clarion et Allegheny, toutes deux classées « rivières panoramiques nationales » par le service forestier du pays.
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THE LODGE AT GLENDORN Bradford, Pennsylvanie, États-Unis
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THE LODGE AT GLENDORN Bradford, Pennsylvanie, États-Unis
Il y a des milliers d’années, le fascinant décor de Boynton Canyon, cette cathédrale de roches rouges, était enfoui sous l’eau. Aujourd’hui, son érosion en bandes horizontales de gris, chamois, rose et brun dessine l’accumulation saisissante des strates géologiques. L’écrivaine Terry Tempest Williams, une grande voix de l’Ouest américain, fait de ce phénomène d’érosion une métaphore des défis que la société doit relever, nous rappelant le fragile équilibre entre la nature et le progrès. C’est ici, à Sedona, que Mii amo se dresse comme un sanctuaire. L’architecture de cet espace raffiné relie les hôtes à l’énergie du canyon. Dans Walden ou la Vie dans les bois, Thoreau insistait sur le caractère thérapeutique de la nature. Outre l’énergie quasi magnétique de l’air ambiant de ce désert, Mii amo pose des bases pour que les hôtes s’engagent sur un chemin de découverte personnelle et de connexion plus profonde avec soi, amplifiée par la puissance du canyon. La propriété propose des ateliers allant de l’observation des étoiles à la sonothérapie, en passant par le voyage vers des vies antérieures, le nettoyage énergétique, le travail corporel et bien plus encore, traduisant en gestes les mots de Thoreau, qui parlait de ces « soirs délicieux où le corps entier n’est plus qu’un sens ».
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MII AMO Sedona, Arizona, États-Unis
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MII AMO Sedona, Arizona, États-Unis
Dans le massif des Adirondacks, le mont Colvin rend hommage à un certain Verplanck Colvin. Cet alpiniste chevronné a, entre 1872 et 1900, renoncé à une carrière d’avocat pour cartographier les monts, conduisant à la mesure de dizaines de sommets. Pourtant, Colvin rappelait en toute modestie : « Rares sont ceux qui comprennent réellement la nature sauvage des Adirondacks. Le mystère demeure, même pour ceux qui l’ont traversée et retraversée. » Sur les rives boisées de Saranac Lake, The Point est ce manoir de bois édifié il y a une centaine d’années par William Avery Rockefeller II. Un cadre rustique censé apprendre aux progénitures du clan familial à « se débrouiller ». Un degré de rusticité tout relatif compte tenu du confort de cette villégiature forestière ! Raquettes et skis sont à disposition pour explorer la forêt enneigée, ainsi qu’un adorable canot en acajou pour filer sur le vif-argent du lac, source d’inspiration de Henry David Thoreau : « Un lac est le trait le plus beau et le plus expressif du paysage, c’est l’oeil de la terre où le spectateur, en y plongeant le sien, sonde la profondeur de sa propre nature. » L’autre exaltante robinsonnade au coeur des Adirondacks se situe au Lake Placid Lodge. En 1946, cette ancienne maison de famille est devenue un point de ralliement pour les principaux industriels et magnats des chemins de fer des États-Unis. À présent, tout résident s’y sent comme un invité du maître de cette maison d’un autre âge. Pour savourer la versatilité des saisons, c’est la même cascade d’activités : ski, raquettes, équitation, pêche, patinage et curling sur Lake Placid en hiver, randonnée et escalade aux beaux jours, comme mille et une façons de percer le mystère des Adirondacks.
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THE POINT Saranac Lake, New York, États-Unis
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LAKE PLACID LODGE Lake Placid, New York, États-Unis
Saluons à présent la mémoire de John Muir, l’auteur d’Our National Parks, aujourd’hui surnommé le « père des parcs nationaux ». Après avoir visité Yosemite pour la première fois à la fin de l’année 1869, il écrivit qu’il était « submergé par le paysage, escaladant des falaises abruptes pour observer de plus près les chutes d’eau, hurlant et hurlant devant les panoramas, sautant infatigablement de fleur en fleur ». Alors qu’il devient berger, il s’inquiète de la déforestation et de la dévastation des troupeaux de moutons qu’il surnomme les « criquets à sabots ». Il rédige alors de retentissants articles qui seront à l’origine de la création du parc national de Yosemite, en Californie. À une vingtaine de kilomètres de l’entrée sud du parc, le Château du Sureau a des allures de mirage provençal. Cette opulente bastide blanche, ancienne maison de famille, propose 10 chambres à l’atmosphère romantique, dotées de cheminées, de lits à baldaquin et de balcons en fer forgé sous lesquels chante la nature foisonnante d’un parc à l’italienne.
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CHÂTEAU DU SUREAU Oakhurst, Californie, États-Unis
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CHÂTEAU DU SUREAU Oakhurst, Californie, États-Unis
Au cours d’un itinéraire panoramique entre chutes d’eau et falaises granitiques, un pique-nique gastronomique est déployé en pleine nature. De quoi réveiller les mots de John Muir : « On aurait cru que les rochers avaient tous quelque chose à dire, et qu’ils étaient plus éloquents et plus aimables que jamais. Ce sont de chers amis, dont il semblait que du sang chaud sourdait de leur chair de granit. » En Caroline du Nord, on doit la préservation du parc national des Great Smoky Mountains à un autre nature writer, Horace Kephart, ce bibliothécaire de Saint-Louis qui a tout abandonné pour l’appel de la forêt et l’écriture. Son aide au tracé du sentier des Appalaches lui vaudra lui aussi, deux ans avant sa mort, le baptême d’un mont Kephart pour honorer son labeur. Fondé en 1939 par la famille Alexander, le Cataloochee Ranch fut le premier havre à recueillir les nouveaux pèlerins du tout jeune parc national. Le ranch, nouveau venu dans la collection Relais & Châteaux, offre un vivifiant corps-à-corps avec la nature grâce à l’équitation, la randonnée et, à un jet de pierre de la propriété, son domaine skiable. À travers « l’onirique brume bleue, intensifiée par l’été indien, qui plane au-dessus de la montagne » si merveilleusement décrite par l’écrivain voyageur Horace Kephart, vous aurez peut-être la chance d’assister aux palpitantes acrobaties aériennes des corbeaux dans le ciel d’octobre. Ici, les éléments font corps et l’extase quasi tellurique d’un « matin intérieur » se fait jour, cadeau ultime de la nature, selon Thoreau, à ceux qui ont su, même un instant, s’éloigner de l’agitation de la civilisation.
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CATALOOCHEE RANCH Maggie Valley, Caroline du Nord, États-Unis
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CATALOOCHEE RANCH Maggie Valley, Caroline du Nord, États-Unis
07 août 2025
Matthias Debureaux